

Sa démarche
Les arts graphiques passionnent cette artiste depuis son plus jeune âge. Adolescente elle travaille seule les techniques picturales à travers des livres et des rencontres dues à ce que nous appelons le "hasard". Ingénieur diplômée de l'INSA de Lyon (une section arts plastiques études est proposée aux étudiants de cette école), elle a ensuite étudié au Petit Collège des Arts Appliqués de Lyon.
Sa technique de travail est le fruit d’une longue évolution où la recherche de la précision du trait et de la douceur sensible de la surface ont toujours primé, que ce soit avec la technique des encres-aquarelles sur papier, ou celle de la peinture sur toile. Pour cette dernière technique, elle utilise des toiles fines soigneusement enduites et poncées, puis ébauche au pastel sec sur des surfaces aussi soyeuses et lisses que du velours, enfin elle travaille au glacis d'huile ou d'acrylique.
Les sujets de ses toiles lui sont dictés par un besoin de réenchantement du monde actuel, où toute réalité n’est plus saisissable que par le biais de la quantité et de la machine à calculer, où les objets sont dépouillés de tout sens merveilleux, où le cosmos et la nature, considérés comme un grand mécanisme, sont un monde d’objets à étudier, à analyser, à classer, à calculer, à mesurer.
Selon Marie-Blanche Bayon, l'univers entier est un ensemble de hiéroglyphes à décrypter. Tout en lui recèle et respire le mystère et tout objet cache un secret. La science nous a maintenant montré que les mêmes systèmes, les mêmes structures se retrouvent dans l'infiniment grand et dans l'infiniment petit; l'univers est "un", et l'être humain en est un élément lui-même habité de mondes. Par la "surface décor" d’un tableau, elle tente d’exprimer ce côté « magique » de notre environnement.
Lumière et couleurs sont les matériaux du poème particulier qu'elle écrit à travers chaque toile. Elle ne peint jamais sur le motif, mais choisit le souvenir visuel, utilise la mémoire qui purge une réalité vécue de ce que le mental a pu y adjoindre sur l’instant, recouvrant alors ce vécu d’un voile qui en masque souvent le sens. Même quand elle laisse libre cours à sa fantaisie et crée des œuvres totalement issues de sa propre imagination, Marie-Blanche essaie toujours de peindre en respectant des règles d’harmonie, de mesure, et de cohérence partout présentes dans la nature, même si elle n’en a pas toujours pleinement conscience lorsqu'elle travaille.
Elle dit souscrire pleinement aux propos suivants de Marc Chagall ...".je suis incapable de voir comment je dessine ; c’est ma main qui voit ; mes yeux se tournent vers l’intérieur.... "
La peinture, comme tout art, est enfin, et essentiellement, un mode de communication privilégié avec autrui, une invitation au partage des idées et des émotions, où le ressenti doit primer sur le réfléchi....... N’est-ce pas dans ce partage sa véritable raison d’être ?
LE YOGA DU PEINTRE
"Au début le tyran tout puissant, centre et merveille du monde que je suis peut se bercer d'illusions. Bien que le thème d'un tableau ait surgi dans son esprit à l'improviste, après Dieu sait quels cheminements préparatoires, il peut avoir l'impression de le décider en toute liberté. Mais la réalisation commence. La main se déplace ébauchant des formes, campant un personnage, esquissant une ligne d'horizon maritime ou beauceronne suivant l'humeur. Mon libre arbitre en frémit d'aise : tout est possible et je suis le seul maître à bord. Mais voici que des doutes surviennent, des hésitations, des repentirs. La majestueuse liberté créatrice s'en trouve déjà un peu froissée. Ensuite des considérations plus banales se présentent, car la scène représentée a malgré tout une certaine cohérence. Et l'on ne saurait se permettre toutes les déformations sans sombrer dans la facilité gratuite. Quitte à faire du fantastique, encore faut-il le faire crédible.
Petit à petit la situation va encore se complexifier, car avec la mise en place des fonds va se poser le problème des couleurs.
Sans doute je peux décider d'un ciel jaune citron ou pervenche, sans doute je peux me permettre de grandes libertés avec la coloration conventionnelle d'un animal ou d'une nymphe extatique emportée par un vol d'anges. Mais cependant bientôt va se poser le problème de l'harmonie car, et n'en déplaise à Matisse et autres génies révolutionnaires, tout n'est pas possible et très vite la liberté va glisser dans le sens du n'importe quoi, étayé par la prétention de l'artiste à être la référence suprême. À moins que, et de façon plus subtile, il n'arrive à imposer ses vues en bâtissant une théorie sur mesure, plus ou moins arbitraire. Picasso, le cubisme et les fureurs des fauves en sont de merveilleux exemples.
Donc entre le délire paranoïaque pur et dur et l'improvisation hasardeuse étayée sur de nouvelles lois créées de toute pièce pour la circonstance, l'égo du peintre peut toujours arriver à berner les intellectuels et autres critiques en teur faisant avaler ce qu'il souhaite. Salvador Dali connaissait parfaitement la méthode et l'a mise en œuvre de façon "géniale" à ce détail près qu'il disposait d'un réel talent et que sa maîtrise technique était à la hauteur de ses ambitions. Et puis il ne manquait ni de créativité, ni d'humour et d'autodérision.
Conscient de l'extrême relativité de ma liberté, me voici donc amené à respecter les lois d'harmonie et de complémentarité existant aussi bien pour les couleurs que pour l'équilibre des formes, la répartition des masses et l'architecture générale de l'œuvre.
À partir de ce moment le créateur ivre d'imagination va se transformer en un patient médecin qui ne saurait se livrer à des improvisations intempestives, mais doit au contraire se mettre à l'écoute du patient, avec sympathie et lucidité pour trouver l'arrangement adéquat. J'ai bien dit adéquat, pas celui qui lui plairait ou qui conviendrait à sa fantaisie. Non, celui qui répond à la situation concrète et cherche à établir un équilibre réel. La comparaison avec l'acupuncture me semble à cet égard assez éclairante. Car si le praticien peut toujours céder à son besoin de manipuler et de se livrer à des expériences hasardeuses il est, s’il est lucide et désintéressé, amené à chercher à chaque instant "la" seule action véritablement adaptée, ce qui restreint considérablement ses possibilités de choix. Comme l'automobiliste qui va tourner son volant à droite parce que la route l'y contraint. "Oui, mais c'est délibérément que j'ai évité ce platane! Je suis donc libre comme l'enfant à qui l'on demanderait de choisir entre une friandise et une "bonne fessée".
La métaphore médicale va maintenant pouvoir être poussée plus loin. En effet, un tableau est avant tout un ensemble organique, au même titre qu'un corps humain, animal ou même végétal. Comme tel il est composé d'éléments dominants qui sont ses organes. Ceux-ci bien que dotés de fonctionnement "autonome" sont totalement reliés entre eux et asservis au métabolisme général. Ils n'en font pas qu'à leur tête et quand la maladie survient, c'est contraint et forcés par des dérèglements qu'ils trahissent l'organisme en n'accomplissant pas correctement la tâche qui leur est assignée. L'œuvre picturale est semblable, car ses "organes" sont reliés par des circulations énergétiques (visuelles en l'occurrence) qui font que l'ensemble fonctionne plus ou moins bien.
Toute l'énergie du peintre doit donc être utilisée à assurer le fonctionnement harmonieux de l'ensemble et pour ce faire il est souhaitable que lui-même soit équilibré (tant pis pour le mythe du génie torturé et syphilitique) Une bonne santé organique et surtout psychologique, est malgré tout préférable.
Ainsi dans le meilleur des cas le peintre construit son tableau avec son propre équilibre et en améliorant le premier il peut éventuellement en ressentir des bénéfices pour le second. L'art en tant que yoga, voilà une idée qui ne court pas les rues, surtout à une époque où tout un chacun n'a qu'un but : affirmer ses désirs personnels sans se soucier des effets sur les autres, en négligeant au besoin sa propre santé physique et morale. Oubliant d'élargir ses vues égocentriques l'artiste contemporain s'enferme en général dans des démarches et des références qui lui permettent de s'affirmer pour devenir riche et célèbre, du moins dans la mesure où l'égo des autres veut bien lui laisser une petite place. Sinon c'est la guerre, la lutte acharnée où chacun au nom de sa liberté chérie et inaliénable cherche à imposer à tout prix, tel Picasso, ses propres fantasmes et ses délires les plus saugrenus sans se donner la peine de construire quelque chose d'harmonieux."